4.4. Manque de reconnaissance, découragement, lassitude, déception, isolement, pessimisme...

Les commentaires rédigés par les collègues en fin d'enquête, nombreux, sont particulièrement pesants à la lecture. Quand bien même on peut considérer que dans l'esprit d'une consultation il va surtout s'agir de pointer ce qui ne va pas, l'importance des aspects négatifs est telle, en complément des résultats pour les différentes questions, qu'il est inenvisageable de supporter une indifférence à l'égard de la profession. Regardons de près ces 556 contributions, en catégorisant les propos.

Ce qui ressort le plus, c'est qu'au fur et à mesure de la dernière réforme le professeur documentaliste a été oublié, son rôle pédagogique affaibli, ses conditions de travail dégradées (50), démission et reconversion sont bien envisagées, y compris chez de jeunes collègues (30), avec globalement de la fatigue à toujours devoir légitimer sa posture d'enseignant dans son établissement, de tout prouver de nouveau régulièrement (28). Plusieurs observent une méconnaissance du métier par l'ensemble de la communauté scolaire, en particulier par les chefs d'établissement et par les jeunes collègues (29), mais c'est aussi le sentiment d'un mépris par l'Institution, au niveau national et académique (29), avec un refus de notre rôle pédagogique (12). Cela peut amener à craindre la réécriture de la circulaire (12), quand d'autres l'estiment nécessaire (6). L'autonomie des établissements, mise en valeur dans les textes, n'apparaît pas comme une source d'optimisme (23).

Quand la diversité des missions peut être perçue comme une richesse (11), la question se pose aussi de missions trop nombreuses et trop lourdes et qui s'éloignent de nos missions d'origine, parfois floues, avec le sentiment associé d'être débordé (22). La souffrance au travail (12) apparaît avec des mises en disponibilité, en arrêt, des cas de burn out, de dépression, avec des témoignages précis qui nous ont été transmis par courriel. L'affirmation d'une satisfaction vis-à-vis du métier peut alors surprendre (8).

Le CAPES pour être gestionnaire du CDI est considéré comme un gâchis (22). Plusieurs regrettent qu'il n'y ait pas de moyens horaires pour dispenser l'EMI, pour intervenir dans l'AP ou les EPI, ou encore pour proposer une progression en information-documentation dans la scolarité de l'élève (37), avec de plus grandes difficultés à trouver des collaborations (13), ou encore des temps de concertation (9). D'autres estiment toutefois que les collaborations interdisciplinaires sont favorisées par la réforme (7). Une constante pesante revient par ailleurs, le principe de l'ouverture du CDI à tout prix (22), en tant que « permanence », « garderie » selon certains.

Au sujet des contenus, on cible le problème de la transversalité de l'EMI et la « récupération » de notre discipline d'expertise par les collègues d'autres disciplines (20), ou encore l'association au seul et tout numérique (9). Cela rejoint, avec la crainte associée à la réécriture de la circulaire de mission, le refus de devenir formateur d'enseignants ou ingénieur pédagogique (11), avec a contrario la nécessité d'un curriculum en information-documentation (11), la nécessité d'un corps d'inspection spécifique (9). Il peut être en outre estimé que les formations initiales ou continues sont insuffisantes pour pouvoir enseigner l'EMI (6).

La question des obligations de service revient aussi souvent. Ce peut être ainsi un refus de faire appliquer le décret par les collègues eux-mêmes, considérant un temps de préparation et d'évaluation sur le service ou parmi les six heures consacrées en théorie aux relations avec les partenaires extérieurs (32), une idée bien perçue dans l'enquête de 2016. D'autres toutefois mettent en cause la mauvaise volonté ou le refus de leur chef d'établissement d'appliquer le texte (28). Ce peut être aussi le problème de négociations locales complexes (29). Dans tous les cas, ce sujet peut mettre en avant la nécessité de recrutement de professeurs documentalistes et/ou d'aides documentalistes (30).

Plus largement sur le traitement, c'est la mise en avant par les collègues de l'écart de traitement entre les certifiés d'autres disciplines et les professeurs documentalistes, certifiés en Documentation (69), avec un salaire insuffisant, en soi, mais aussi notamment à cause d'inspections trop rares, du refus réglementaire des heures supplémentaires, de la difficulté d'être professeur principal, par des refus d'IMP, par l'absence d'agrégation, par l'absence d'une indemnité équivalente à celle des autres enseignants...