2014
nov.
24

Vers un curriculum en information-documentation - Chapitre 6

Enseignement de l’information-documentation - Lecture critique des programmes de collège.

[2ème édition le 11/12/2015] Au collège, l’enseignement de l’information-documentation peut s’articuler parfois avec et/ou prendre appui sur des enseignements disciplinaires définis et évolutifs. Le principe de ces articulations est essentiel dans la construction du curriculum en information-documentation, avec des éléments communs d’éducation et d’instruction, par exemple autour des médias ou de l’informatique. Cela permet, d’une part, de développer une pédagogie de projets qui peut répondre aux enjeux éducatifs forts en la matière, d’autre part, de donner du sens aux apprentissages, dans un souci d’interdisciplinarité qui, s’il n’est pas toujours porté par plusieurs enseignants, doit être explicité pour les élèves.

Dans l’attente d’une application effective des programmes présentés en septembre 2015 pour en faire l’analyse [1], regardons la part faite aux notions de l’information-documentation dans les programmes scolaires appliqués en 2014, afin de dégager des relations intéressantes à consolider du point de vue d’une progression, pour ce qui concerne les éléments interdisciplinaires, mais aussi pour questionner l’existant et rechercher des voies d’amélioration, en particulier depuis notre schéma de progression.

On s’en tient ici aux « programmes », si ce n’est pour la technologie, avec le supplément intéressant des « ressources pour faire la classe ». Il faut noter que la plupart des documents d’accompagnement mettent en avant la nécessité de travaux de recherche documentaire en collaboration avec le professeur documentaliste, en précisant les objectifs pédagogiques et la réflexion sur le rôle de chaque intervenant. Mais sur les possibilités de travail collaboratif, de manière générale, comme sur la volonté de construire une progression, ces documents d’accompagnement n’apporteront pas davantage que les programmes. Il faut cependant souligner leur existence, même si certains semblent être plus difficiles d’accès, quand ils existent encore, en tout cas sans mise à jour sur Eduscol à mesure de la parution des nouveaux programmes des années 2000. C’est le cas pour le français et l’histoire-géographie, qui sont pourtant des disciplines avec lesquelles les professeurs documentalistes travaillent beaucoup dans la pratique.

A noter également que l’expertise du professeur documentaliste n’est pas la même selon les disciplines, ce qui pose un problème de cohérence globale. Ainsi, en français le professeur documentaliste n’apparaît que pour la lecture, essentiellement. Il s’agit d’une « utilisation du CDI » en histoire-géographie, mais les documents d’accompagnement, malgré l’absence présumée de mise à jour, sont plus respectueux du professeur documentaliste et de ses compétences pédagogiques [2], ce qui n’est pas le cas en Technologie. En physique-chimie, on insiste bien sur la collaboration avec le professeur documentaliste, pour la recherche documentaire [3]. Il n’est en revanche pas fait mention du professeur documentaliste dans les documents relatifs aux Sciences de la vie et de la terre (SVT).

Il ne s’agit pas ici de cerner l’ensemble des programmes afin d’intervenir au sujet de recherches documentaires, mais bien de regarder, dans chaque discipline, ce qui relève entièrement ou en grande partie de l’information-documentation et/ou de l’éducation aux médias et à l’information, d’une part, et les relations qui sont proposées explicitement avec le lieu CDI et le professeur documentaliste, d’autre part. Précisons enfin que l’on ne s’occupe ici que d’un enseignement de l’information et des médias, et non d’apprentissages qui s’appuient sur les médias, tandis que le CLEMI met en avant l’ensemble dans sa publication en ligne sur « l’éducation aux médias dans les programmes », du primaire au lycée [4]. Dans ce sens, le travail présenté peut paraître incomplet, mais il est au contraire ambitieux, portant la perspective d’une mise en valeur de l’objet d’étude sans que l’appropriation des notions associées à l’information et aux médias soit considérée de manière marginale, et sans remettre en question la nécessité d’un enseignement disciplinaire par les médias, qui permet d’ancrer certaines notions dans des apprentissages variés.

Enfin, et c’est une précision importante, ce travail de lecture critique suppose une prise en considération du travail interdisciplinaire possible, mais bien aussi l’inscription d’une spécificité de l’information-documentation dans les textes futurs. En effet, la lecture des programmes existants nous amènent surtout à comprendre le manque de cohérence qui existe par rapport aux apprentissages associés aux notions spécifiques de l’information-documentation. Un cadre spécifique paraît donc indispensable, de même qu’une progression spécifique, sur laquelle ensuite peut s’appuyer un travail indépendant ou collaboratif des professeurs documentalistes. Cette lecture permet de montrer l’acquisition supposée de ces savoirs en information-documentation, selon les éléments présentés par les programmes disciplinaires, mais en démontrant que l’acquisition de ces savoirs n’est pas possible en l’état, sans curriculum en information-documentation.

Nos sources pour documents de travail :
L’ensemble des textes de programmes pour le collège :
http://eduscol.education.fr/pid23391/programmes-de-l-ecole-et-du-college.html

Nous nous proposons de travailler, pour le collège, à partir des quatre champs retenus pour le développement d’apprentissages en information-documentation :

  • Environnements informationnels et numériques
  • Processus d’information et de documentation
  • Recul critique sur les médias, les TIC et l’information
  • Responsabilité légale et éthique relative à l’information

Environnements informationnels et numériques

Dans les programmes, les connaissances et compétences relatives aux environnements informationnels et numériques sont surtout développées comme des éléments au service d’autres apprentissages. Malgré tout, ce biais peut être un moyen de développer des savoirs spécifiques. Par ailleurs, ces environnements sont également étudiés pour eux-mêmes, avec la volonté de mettre en œuvre des démarches pédagogiques favorisant le développement des connaissances et compétences qui en ressortent.

En Arts plastiques [5], en Cinquième , les élèves sont amenés à « connaître et identifier différents moyens mis en œuvre dans l’image pour communiquer ; différencier les images artistiques des images de communication et des images documentaires. » (p. 8), et à « repérer des caractéristiques qui permettent de distinguer la nature des images » (p. 8). Sont ici ciblées, entre autres, les notions de nature de l’information et de culture de l’information, développées à travers le prisme des arts. En Quatrième , les élèves sont conduits à savoir « déterminer ce qui relève de l’œuvre et de sa reproduction ; se saisir de la singularité des images d’artistes et les différencier des images de communication et de documentation ; développer un point de vue analytique et critique sur les images qui les entourent ; Utiliser des images à des fins d’argumentation. » (p. 10). On reste là encore sur des notions relatives aux environnements, autour du document, du type de document, de la nature de l’information, voire de l’exploitation de l’information, mais dans une culture de l’information qui se limite à l’image. Si la collaboration est possible, si elle peut paraître pertinente, il faut convenir toutefois que ces notions doivent être développées au préalable en information-documentation.

En Français [6], les contenus en lien avec l’information-documentation sont à la fois riches et non satisfaisants, mais présentent des ouvertures très intéressantes dans le cadre de collaborations pédagogiques avec les professeurs documentalistes. Notons d’abord que « l’enseignement du français fait découvrir et étudier différentes formes de langage : celui de la littérature, de l’information, de la publicité, de la vie politique et sociale. Dans tous les cas, le professeur cherche à susciter le goût et le plaisir de lire. » (p. 2) Ces éléments supposent des pré-requis importants en termes d’information et d’économie de l’information (autour de la publicité en particulier, trop souvent étudiée en termes esthétiques, et non stratégiques). Cette combinaison peut ainsi être envisagée par le professeur documentaliste en Cinquième , dans une logique de progression permettant de poser des bases intéressantes, par exemple lorsqu’il s’agit par la suite d’étudier le monde de l’entreprise, dans son aspect communicationnel. En amont d’études de contenus de Français, le professeur documentaliste est ici à même de développer des connaissances sur des notions de communication ; la publicité est présente dans les périodiques, et la conception de journaux peut être l’occasion d’un travail pertinent pour cerner les codes de ce domaine, tout en développant des connaissances sur l’édition et la publication. Cette logique supposerait une mise en avant des connaissances et compétences relatives aux médias d’actualité dans les programmes de Français, en Cinquième et en Quatrième , afin de donner les moyens aux équipes enseignantes – dont le professeur documentaliste, avec une inscription du même sujet dans le programme spécifique de l’information-documentation - de mettre en œuvre des apprentissages relatifs aux contenus, en lien avec le développement des notions d’économie de l’information, de médiatisation puis d’architecture de l’information.

Au-delà de la lecture et d’un souci qui peut être partagé avec le professeur documentaliste de « susciter le goût et le plaisir de lire », il est précisé que « le professeur fait aussi découvrir et étudier des textes documentaires et des textes de presse. Dans la mesure du possible, il associe le professeur documentaliste à sa démarche. » (p. 2) Ce passage pose problème en ce qu’il suppose que c’est au professeur de français de développer les notions induites ici d’information, de type d’information et de type de document, avec une association éventuelle du professeur documentaliste. Ce « renversement » des compétences professionnelles est préjudiciable aux élèves.

Il convient sans doute de mettre davantage en valeur en Sixième , des apprentissages spécifiques menés par le professeur documentaliste, et en collaboration avec les professeurs de Français, d’Histoire-Géo et de SVT sur le document, le support et la structure du document, à travers la lecture d’une page documentaire, en cernant l’organisation, la mise en page, les titres, sous-titres, paragraphes, illustrations, légendes, numéro de la page, renvois...

Sur des aspects économiques purs, le programme de Géographie de Quatrième propose d’étudier « les lieux de commandement ou les entreprises transnationales », à travers deux thèmes au choix. Pour le premier, « [une] étude [de] cas [sur Tokyo] débouche sur la présentation de planisphères : grandes métropoles, places boursières, réseau mondial de l’Internet... » (p. 35). Pour le deuxième, il peut s’agir d’une entreprise relative aux médias. Avec le professeur documentaliste, il peut alors s’agir de développer en Quatrième les notions d’Internet, de Site web, d’économie de l’information (en continuité de la Cinquième) et de média.

Un lien de progression pourrait être envisagé avec le programme d’Histoire de Troisième, autour « des évolutions scientifiques et technologiques majeures depuis 1914. » Mais on ne part que de l’exemple de la médecine, pour ces évolutions scientifiques et technologiques, avec une voie pourtant possible pour les « nouvelles technologiques de l’information et de la communication », en particulier sur l’évolution du document, de l’Internet et de l’espace informationnel. En lien avec l’information-documentation, on peut ainsi systématiser le travail autour d’une entreprise du numérique, autour du média d’origine entrepreneuriale (Google, Facebook...), sous la forme d’une recherche documentaire permettant de multiplier les sujets et de proposer ensuite une mutualisation. Cet enseignement doit être accompagné d’une approche complémentaire du logiciel libre, des ressources libres, et des principes contradictoires qui sous-tendent l’économie numérique. Rien ne s’oppose à une entrée en matière sur ces sujets en Cinquième, en lien avec le programme de géographie en Quatrième, avec une progression sur les deux années.

En Technologie [7], il s’agit d’abord, en Sixième, de développer des compétences techniques, entrée en matière essentielle pour favoriser la pratique aisée des outils numériques, à transférer ensuite dans les différentes disciplines. Pour autant, la pratique de l’ENT n’est envisagée qu’en Cinquième, ce qui n’est pas sans poser question sur des compétences procédurales apportées tardivement, alors que le passage de l’école primaire au collège peut être l’occasion de développer des compétences numériques en réseau, essentiellement pour des bases procédurales dans un premier temps. En Cinquième, on aborde les notions de réseau et d’Internet, en termes d’organisation et de fonctionnement (« On s’appuie sur l’observation du réseau dans le collège et la schématisation simple de sa structure. On s’attache à représenter plutôt la structure matérielle que la structure logicielle. On met en évidence les principes de l’organisation du partage des ressources entre les utilisateurs du réseau. », p. 18). On parle d’identité numérique, mais dans une acception encore limitée, en termes techniques, à l’identification. En Quatrième, pour savoir « identifier les modes et dispositifs d’acquisition de signaux, de données » et « identifier la nature d’une information et du signal qui la porte », « on peut montrer comment la numérisation de l’information sous toutes ses formes favorise le développement et l’intégration de technologies convergentes (photographie, téléphonie, télévision...) » ; « il s’agit d’identifier simplement divers dispositifs d’acquisition et surtout pas de faire une étude de leur fonctionnement. » (p. 22). On touche ainsi aux notions de média, de message, de document, de document numérique en ligne. Mais la spécificité du professeur documentaliste est ici essentielle pour dépasser l’approche technique et mettre en valeur l’organisation des contenus, avec le support et la structure du document en Sixième, l’édition et la publication en Cinquième, l’éditorialisation en Quatrième, en pensant l’approfondissement de chaque notion, une fois qu’elle a été initiée, dans un enseignement spécifique.

Processus d’information et de documentation

En Français, une « initiation aux ressources documentaires sur supports informatiques, audiovisuels et multimédias est recommandée : l’élève apprend à se repérer dans cette immense bibliothèque mondiale, à trier et hiérarchiser des informations, à adopter une attitude critique et responsable vis-à-vis d’elles et à adapter sa lecture au support retenu. » (p. 4)

Dans l’introduction des programmes d’histoire, géographie et éducation civique [8], les auteurs mettent beaucoup en avant la recherche d’information mais, contrairement aux programmes de Français, on ne cite pas le professeur documentaliste ; on va même jusqu’à parler d’utilisation du CDI (comme dans le programme spécifique de Sixième). En Physique-Chimie, de la même façon, on trouve dans l’introduction [9] la mise en avant des recherches documentaires et des recherches personnelles au CDI. En SVT, dans l’introduction également [10], on trouve le souci de faire en sorte que l’élève soit amené à faire des recherches sur Internet, mais à nouveau sans mention du professeur documentaliste. Toutefois, en Troisième, sur le thème « Responsabilité humaine en matière de santé et d’environnement », on précise que « cette partie sera l’occasion d’un croisement des disciplines, d’un travail au centre de documentation et d’information avec le professeur documentaliste et, dans la mesure du possible, d’une collaboration avec des partenaires extérieurs. » (p. 34)

En fait, de façon assez peu cohérente, c’est le programme de Technologie qui paraît le plus soucieux des notions de recherche de l’information. L’introduction [11] indique ainsi que la technologie, entre autres, initie l’élève à « s’informer et se documenter en ayant un regard sélectif sur la pertinence des informations véhiculées par les réseaux » (p. 11). Une hypothèse de compréhension tient dans le fait que le programme de Technologie a été le réceptacle trop isolé des compétences parfois larges du Brevet Informatique et Internet (B2i), sans compétences évidentes dans toutes les disciplines, mais sans que le B2i, à l’origine, soit non plus développé pour une seule discipline ; en ce sens, l’abandon du B2i, pour une intégration dans une évaluation globale, pourrait être une bonne évolution.

Il s’agit là, en Cinquième, de « rechercher, recenser, sélectionner et organiser des informations pour les utiliser », d’« identifier les sources (auteur, date, titre, lien vers la ressource) », autour des notions de moteur de recherche, de mot-clé, d’exploitation de l’information, de source, d’auteur, etc. (p. 19).

On constate surtout que dans ce champs relatif aux processus d’information et de documentation, les connaissances et compétences ne sont pas identifiées, ou très peu, et surtout sans cohérence pour les enseignants de discipline ; le processus de recherche irait de soi, sans explicitation des savoirs et savoir-faire spécifiques à développer chez les élèves. C’est là un chantier essentiel pour le développement de l’information-documentation, avec une progression qui doit s’appuyer sur des référentiels existants au sujet de la recherche et de l’exploitation de l’information, tout en prenant en considération l’évolution de l’accès à l’information.

Il convient ainsi de voir comment amener, dans une progression rationnelle, les notions de besoin d’information, d’espace informationnel, d’outil de recherche, de source, de référence, de requête, de mot clé, puis, au lycée de document primaire, de document secondaire, et enfin de langage documentaire, de thésaurus, d’indexation. En parallèle, il s’agit de l’exploitation de l’information, de l’évaluation de l’information, de la pertinence, de la production documentaire, de l’analyse documentaire, de la synthèse. Il paraît important, de manière évidente, de ne pas tout engager en Sixième !

Il convient certainement d’abord de définir l’espace informationnel sur des exemples précis, d’imposer ou d’accompagner le besoin d’information avant de laisser les élèves l’envisager (ce qui suppose des capacités de problématisation), de définir avec eux la source et la référence, l’outil de recherche, la requête, le mot clé, suffisamment tôt, même si cela peut être difficile, sur des exigences simples ; la production documentaire fait découvrir l’exploitation de l’information. Celle-ci est conscientisée progressivement, avec un processus d’évaluation de l’information qui doit être défini à mesure que les méthodes et critères s’affinent. Ces quelques lignes mettent en évidence la difficulté d’une clarification, dans des approches professionnelles heureusement variées des professeurs documentalistes. Il s’agit surtout de convenir, à ce stade, que c’est précisément cette difficulté qui rend des apprentissages spécifiques et des collaborations avec ces professionnels absolument nécessaires, sur des temps particuliers qui permettent de mettre en relation la recherche et l’exploitation de l’information avec les autres champs, en particulier les environnements informationnels et numériques. Le référentiel publié par la FADBEN en 1997 reste ici une référence essentielle à la mise en place d’une progression relative au « processus d’information et de documentation » [12].

Recul critique sur les médias, les TIC et l’information

En Français, on l’a vu, le recul critique concerne essentiellement les ressources documentaires. Pourtant, plusieurs éléments du programme insistent sur les connaissances relatives aux « environnements informationnels et numériques », sans inscription d’une approche critique qui peut pourtant être mise en valeur au collège, tout au moins dès la Quatrième sous forme d’une véritable initiation. En Troisième, « le professeur privilégie l’étude de l’image comme engagement et comme représentation de soi. C’est la fonction argumentative de l’image qui est développée, pour laquelle on peut analyser le fonctionnement de certaines publicités. » On pourrait estimer cette approche d’une part faible, d’autre part tardive, au regard de ce qui peut être initié en Arts plastiques en Cinquième et en Quatrième au sujet de l’image.

Dans l’existant, ce sont véritablement les programmes d’éducation civique qui portent les contenus de ce champ. En Sixième  [13], mais ce n’est qu’un thème au choix, on trouve « la semaine de la presse, des questions d’actualité, les journées spécifiques. ». « Cette partie libre peut être l’occasion de mener un débat dont le thème aura été choisi avec les élèves (recherche d’informations, rédaction d’un argumentaire, organisation du débat). » (p. 15) Les notions info-documentaires envisagées sont principalement celles de média, d’information, de recherche d’information, d’exploitation de l’information.

En Cinquième , une ouverture collaborative existe avec « les identités multiples de la personne ». L’identité numérique n’est pas une option citée dans le programme, mais on peut y penser sérieusement, sous forme d’une découverte ou d’une initiation, en considérant cette identité numérique dans « l’expérience et les représentations des élèves pour montrer que l’identité est à la fois singulière, multiple et partagée. » (p. 26) Toutefois, une initiation à la notion d’identité numérique paraît sans doute trop précoce, là ou une découverte, à travers l’approfondissement de la notion de médias sociaux, présente davantage de pertinence. En lien avec la progression relative aux environnements informationnels et numériques, l’accent peut être mis sur la notion de médiatisation.

En Troisième , le programme d’Éducation civique comprend le développement de connaissances sur « l’opinion publique et les médias », articulées autour de la diversité et du rôle des médias, des sondages d’opinion, du rôle d’Internet, impliquant les notions d’information, de média, de médiatisation, de désinformation, d’Internet, de Site web et de médias sociaux... En regard du programme d’histoire, on peut ici proposer un enseignement plus spécifique sur les entreprises de mass média, et sur les ressources libres, avec un travail de réflexion sur le rôle des médias dans la formation d’une opinion personnelle et dans la construction de l’opinion publique. Il peut alors s’agir de prendre appui sur un sujet d’actualité, voire sur une rumeur, et de cerner ce qui se dit sur les médias de presse, sur les médias sociaux et sur les pure players payants ou gratuits.

Responsabilité légale et éthique relative à l’information

Ce dernier champ est abordé essentiellement en Quatrième

dans les programmes de collège, en Éducation civique, au sujet de « l’exercice des libertés en France ». Le professeur doit ainsi aborder « les libertés individuelles et collectives » et en particulier, dans ce qui peut relever par ailleurs de l’information-documentation : la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée (p. 37). Il s’agit également d’une initiation au Droit (p. 38-39) appuyée par exemple sur l’étude d’un événement judiciaire, mais qui peut aussi, dans l’esprit d’une cohérence dans la découverte des bases juridiques, permettre au professeur documentaliste de développer des connaissances au sujet du Droit relatif à l’information, en termes de droit de l’information, de média, d’identité numérique, voire, dans un domaine déjà initié sans doute alors dans la progression, d’exploitation de l’information.

En Technologie, apparaît le devoir d’initier l’élève à « utiliser l’informatique dans un esprit citoyen, respectueux des droits de chacun et de la propriété intellectuelle. » (p. 11). En Cinquième , il s’agit pour l’élève d’être amené à « identifier les droits d’utilisation et de partage des ressources et des outils numériques, ainsi que les risques encourus en cas de non respect des règles et procédures d’utilisation » dans un contexte pédagogique de recherche d’information, avec « un accent particulier sur la capacité de l’élève à citer ses sources et à mesurer les droits qu’il a d’utiliser librement ou non ces sources, dans un contexte fixé au préalable par le professeur. » (p. 19)

Quand bien même ce champ est difficile à développer avec des élèves en collège, les contenus proposés actuellement sont insuffisants, n’apparaissant qu’à partir de la Quatrième, sans continuation suffisante en Troisième. Toutefois, on l’a vu, certains aspects relèvent du recul critique sur l’information, champ précédent, impliquant des liens à clarifier au sujet de l’éthique de l’information, effectivement abordée en Troisième d’après les programmes.

Conclusion

Cette lecture critique des programmes, en lien avec les savoirs de l’information-documentation, permet de prolonger la réflexion, en structurant progressivement la définition d’une progression spécifique et raisonnée. Il s’agit ensuite, avec l’étude des programmes de lycée, de définir au mieux la programmation des apprentissages, en considération des pratiques professionnelles, des leçons des recherches relatives au développement psychologique et cognitif de l’enfant et des liens à construire et à consolider, depuis l’information-documentation, avec les différentes disciplines et leurs programmes (qui sont par ailleurs très vraisemblablement amenés à évoluer).

Si la discipline de Technologie a un rôle essentiel à jouer dans le développement d’une culture de l’information, par le développement de compétences informatiques chez les élèves, la spécificité de l’information-documentation est à rappeler et ses savoirs à considérer pour ce qu’ils sont, après cette lecture critique des programmes. Sur des bases existantes à consolider, ce domaine d’enseignement permet le développement parallèle et complémentaire d’une culture de l’information, et d’une culture médiatique partagée avec d’autres disciplines.

On voit combien le morcellement n’est pas satisfaisant, pour le développement des notions de l’information-documentation, sans cohérence dans les programmes, d’une part, sans reconnaissance pourtant essentielle d’une expertise et d’une spécialité professionnelle, d’autre part. Avec l’approche actuelle, qui privilégie une lecture transversale de ces notions, supposant effectivement des projets collaboratifs, il manque une lisibilité des enjeux et savoirs spécifiques à l’information-documentation, abordés par et avec les élèves, pour qu’ils développent une réelle culture de l’information. Le professeur documentaliste est le garant de cette cohérence et de cette lisibilité, si bien que cette lecture critique des programmes engage à la définition, dans le curriculum en information-documentation, d’une progression spécifique particulière. Celle-ci ne suppose pas un cadre figé, mais un programme en information-documentation qui engage pour l’avenir le développement d’une culture de l’information, avec une nécessaire incitation, à inscrire des notions parmi les autres disciplines ou curricula, avec des lectures spécifiques qui engagent la transversalité et l’intervention collaborative quand elle est cohérente et justifiée.

Notes

[1Une première lecture détaillée du projet de programmes, du point de vue de l’information-documentation, est proposé par Julien Rousseau : EMIcalement vôtre ! In Les trois couronnes [en ligne], 07/10/2015. Disponible sur : http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/table-ronde/emicalement-votre

[2Sur le même principe, on peut se référer au précieux travail effectué à partir des textes officiels de 1997, disponible sur http://documentation.spip.ac-rouen.fr/IMG/pdf/textes.pdf

[3Exemple de document d’accompagnement des programmes en physique-chimie pour le cycle central (voir p. 36-38) : http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Programmes/54/1/SPC_DOC_DAC_CC_111541.pdf

[4Disponible sur le site du CLEMI national : http://www.clemi.org/fr/l-eam-dans-les-programmes/

Documents


PDF - 296.8 ko
  • RESTEZ
    CONNECTé