Contre des discriminations professionnelles qui se cumulent
Lettre à M. Blanquer, Ministre de l’Education nationale
Monsieur le Ministre,
Dans les lettres d’information datées des 16 et 20 novembre 2020, envoyées par vos services sur la liste de diffusion liste.enseignants-doc, vous avez informé notre profession du versement, en janvier 2021, d’une prime d’équipement informatique d’un montant de 150 euros. Dès le lendemain, des communiqués émis par la plupart des organisations syndicales, ainsi qu’une brève parue dans le Café pédagogique, ont contredit cette information en précisant que les professeurs documentalistes pourraient être exclus du dispositif.
A l’incompréhension a rapidement succédé un sentiment d’humiliation inversement proportionnel à la somme concernée. Pourquoi les professeurs documentalistes seraient-ils retirés de l’appellation globale d’enseignants alors qu’ils sont enseignants ?
Recrutés depuis trente et un ans par la voie d’un CAPES spécialisé en Sciences de l’information et de la communication (SIC), ayant comme mission première la formation à la culture de l’information de tous les élèves, de la 6e à la Terminale, en charge du système d’information documentaire de l’EPLE, acteurs de l’ouverture de l’établissement sur son environnement, souvent référents numériques, correspondants GAR et maintenant sollicités pour l’évaluation PIX, les professeurs documentalistes ne peuvent attribuer cette nouvelle mesure discriminatoire qu’à une profonde méconnaissance de leur profession tant sur le fond que sur ses modalités d’exercice.
A l’instar de leurs collègues de disciplines, les professeurs documentalistes exercent une partie de leurs missions à leur domicile en ayant nécessairement recours à leur équipement informatique personnel : préparation de leurs cours, évaluation, veille informationnelle, relations tant avec l’extérieur qu’avec la communauté éducative, gestion documentaire, réunions et formations à distance constituent l’ordinaire des professeurs documentalistes aussi bien sur leur temps de présence en établissement qu’en dehors. Il va sans dire que les professeurs documentalistes ont été tout autant impliqués que leurs collègues de disciplines à poursuivre leurs missions pendant la période du confinement.
Malgré leur appartenance au corps des certifiés, les professeurs documentalistes subissent déjà un traitement fortement discriminatoire vis-à-vis de leurs collègues enseignants dont ils partagent pourtant le même statut : indemnité de sujétion particulière très largement inférieure à l’ISOE, impossibilité de percevoir des heures supplémentaires, d’être rémunérés en tant que professeur principal, paiement à un taux inférieur des heures dans le dispositif « devoirs faits », perspectives d’évolution dans leur discipline nulles en raison de l’absence d’une agrégation et d’une inspection spécifique... La liste est longue, bien trop longue.
Nous ne pouvons croire, Monsieur le Ministre que vous vous apprêtiez à adopter une nouvelle mesure discriminatoire qui portera bien davantage atteinte à la dignité de notre métier et aux personnes qui l’exercent qu’à son pouvoir d’achat. Notre profession devrait bénéficier, bien au contraire, de tout votre soutien afin d’accomplir dans des conditions décentes la mission qui est la sienne de transmettre à tous les élèves une culture de l’information et des médias.
Nous ne pouvons croire non plus, alors que l’actualité nous rappelle si cruellement l’urgence d’intensifier la formation à un usage raisonné et critique de l’information et des médias que nous soyons, en ce moment, à chercher les mots et les arguments qui seront les mieux à même de vous convaincre, Monsieur le Ministre, de ne pas exclure symboliquement, une fois encore, les professeurs documentalistes – pivots de cette formation - de la communauté des enseignants à laquelle ils sont profondément attachés et qui est on ne peut plus officiellement la leur.
Mais nous voulons croire, Monsieur le Ministre, à votre qualité d’écoute et au pouvoir des mots justes et nous espérons avoir trouvé ceux qui vous amèneront à ne pas faire subir une nouvelle injustice aux quelques onze mille enseignants que compte notre profession.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments dévoués et très respectueux.
Catherine Novel, présidente de l’A.P.D.E.N.