2018
nov.
21

Consultation sur les programmes du nouveau lycée

Contribution auprès de la DGESCO

Le 18 novembre 2018, la Fédération A.P.D.E.N. a adressé à M. Jean-Marc Huart, directeur général de la DGESCO, sa contribution dans le cadre de la consultation sur les nouveaux programmes de lycée, sous la forme d’une analyse détaillée suivie de demandes d’amendements. Nous en publions ici le contenu intégral, selon une mise en forme paginée rendue nécessaire par la longueur du texte. Il est également téléchargeable au format PDF, dans un format imprimable, en cliquant sur l’icône ci-contre.

***b. Des projets de programmes qui intègrent l’EMI en omettant le rôle du professeur documentaliste dans son enseignement, ou en le limitant à une aide méthodologique facultative

  • EMC - Enseignement de tronc commun (tous niveaux)
    Le préambule du programme de l’Enseignement moral et civique en détermine la philosophie générale de la manière suivante : « La réflexion peut s’accompagner d’une interrogation sur les sources utilisées (textes écrits, cartes, images, œuvres picturales, mises en scène théâtrales et chorégraphiques, productions cinématographiques, musiques et chansons, etc.), sur leur constitution comme document, sur leurs usages culturels, médiatiques et sociaux. L’enseignement moral et civique initie les élèves à la recherche documentaire et à ses méthodes, leur fait découvrir la richesse et la variété des supports et des expressions, les éduque à l’autonomie, à la prise de décision et à la responsabilité ». Dès lors, l’absence totale du professeur documentaliste, enseignant spécialiste de l’information-documentation, est sidérante. Et le sentiment s’accroit encore devant la définition du périmètre de cet enseignement : « L’éducation aux médias et à l’information ainsi que l’enseignement laïque des faits religieux entrent également dans son périmètre ».
    Si Madame Ayada, présidente du CSP, nous avait informés, lors de notre audience auprès de cette instance, de la refonte des programmes de l’EMC selon une logique y intégrant des objets d’enseignement en EMI, elle nous avait alors également indiqué qu’un professeur documentaliste participerait au groupe de travail en charge de la rédaction de ces programmes . Dans ce contexte, incompréhension et colère dominent de ne voir ainsi le professeur documentaliste, « enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias », chargé d’aucune responsabilité, seul ou en co-intervention, dans cet enseignement qui comprend pourtant de nombreuses occurrences à son champ d’expertise :
    • en classe de seconde et de première, il est demandé aux élèves de mener un « projet de l’année » qui prendra la forme d’un dossier écrit. Celui-ci « implique la recherche et le commentaire de documents [et] met à l’honneur la démarche de l’enquête » ;
    • en classe de seconde, le thème annuel « Liberté, libertés » implique de traiter la question de « la liberté d’expression » et de « l’évolution de [son] encadrement juridique » selon plusieurs objets d’enseignement : « harcèlement et persécution sur internet ; phénomènes de censure et répression des libertés sur internet ; données numériques, traitement et protection (règlement général sur la protection des données) ; accès universel à internet et libertés numériques » ;
    • en classe de première, le premier axe « le lien social et ses fragilités » du thème annuel « la société, les sociétés » interroge les manifestations des fragilités du lien social selon les thèmes suivants, pouvant tous relever d’un enseignement dispensé par le professeur documentaliste, seul ou en co-enseignement :
      • Le repli sur soi (repli sur la sphère privée, sur les liens communautaires, ...) ;
      • La défiance vis-à-vis de l’information (de la critique des journalistes et des experts à la diffusion de fausses nouvelles et à la construction de vérités alternatives) :
      • Les nouvelles formes de violence et de délinquance (incivilités, cyberharcèlement, agressions physiques, ...)
        Les objets d’enseignement associés concernent ainsi :
      • la perspective législative concernant les « fake news » ;
      • le complotisme et le révisionnisme ;
      • la prévention du cyber-harcèlement ;
      • les réseaux sociaux, biais de confirmation, bulles de filtre ;
      • les pratiques solitaires de consommation et isolement (jeux vidéo,...).
        Enfin, les capacités et compétences attendues, en seconde comme en première, appartiennent clairement au champ de l’information-documentation :
      • Identifier différents types de documents (récits de vie, textes littéraires, œuvres d’art, documents juridiques, textes administratifs,...), les contextualiser, en saisir les statuts, repérer les intentions des auteurs ;
      • Rechercher, collecter, analyser et savoir publier des textes ou témoignages ;
      • Savoir constituer une documentation, la classer et la conserver.
  • Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques - Enseignement de spécialité (première)
    Le professeur documentaliste est ici convoqué, mais selon une terminologie équivoque ne garantissant pas sa posture d’enseignement : « le travail de documentation est guidé par le(s) professeur(s) de la spécialité et le professeur documentaliste, qui accompagne méthodiquement l’élève dans sa recherche de sources ou d’information, y compris sur internet ». Pourtant, ce projet de programme se donne pour objectif de faire « acquérir [aux élèves] des clefs de compréhension du monde contemporain » et notamment de permettre aux élèves de « comprendre comment se construit l’information, de sa production à sa diffusion et sa réception, entre liberté, contrôle, influence et manipulation », selon les termes du thème 4 : « S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication ».
    Le projet précise ensuite que « ce thème a un double objectif : aider les élèves à saisir les enjeux de l’information (liberté, manipulation, contrôle), et les amener à réfléchir sur leur propre manière de s’informer, dans la continuité de l’éducation aux médias et à l’information. Leurs pratiques de l’information seront décisives dans les études supérieures, et supposent pour être maîtrisées une culture relative aux médias ». Le professeur documentaliste devrait ici être convoqué pour développer un enseignement des objets propres à son expertise en Sciences de l’information et de la communication, quand il s’agit « des médias et des supports de communication qui n’ont jamais été aussi nombreux et divers » et « des pratiques d’information différenciées selon les individus, les groupes sociaux et les territoires », et quand les axes évoqués font un point sur « les grandes révolutions techniques de l’information », « la liberté ou le contrôle de l’information » et « l’information à l’heure d’internet ».
  • Histoire des arts - Enseignement optionnel (tous niveaux)
    On retrouve dans ce projet de programme un rôle minoré du professeur documentaliste, relégué d’un enseignement légitime à une seule « aide » associée à des termes faiblement prescriptifs ; on peut ainsi y lire : « avec l’aide des professeurs documentalistes, les élèves sont invités à exploiter les ressources documentaires disponibles, en particulier celles offertes par les technologies de l’information et de la communication. Ils sont initiés à l’identification, à la critique et à la hiérarchisation des sources documentaires ».
  • Langues vivantes - Enseignement de tronc commun (tous niveaux)
    Selon la même logique, concernant la place du numérique dans l’enseignement des langues vivantes, les projets de programme rappellent, en seconde comme au cycle terminal, qu’« il importe de veiller à ce que l’usage du numérique ne représente pas une fin en soi, mais apporte un réel bénéfice à l’apprentissage. Il doit être raisonné et s’accompagner d’une éducation appropriée aux médias avec l’aide éventuelle des professeurs documentalistes ».
    Pourtant, en classe de seconde, plusieurs situations d’enseignement doivent permettre l’acquisition, par les élèves, de compétences informationnelles qui relèvent du champ d’expertise du professeur documentaliste. Il est ainsi question de savoir « s’informer (médias) », à travers les situations de compréhension de l’oral, ou de maîtrise de l’écriture ou les programmes visent au « développement de nouvelles formes de communication écrite, et notamment en interaction (messagerie électronique, dialogues en ligne, réseaux sociaux, blog, etc.), [qui] représente une opportunité d’utilisation de la langue dont l’enseignant peut tirer profit ». Cette prise en compte de l’évolution de l’interaction écrite est renforcée par la reconnaissance du « développement des réseaux sociaux et des outils nomades de la communication : courriel, SMS, tweet, forum de discussion, écriture collaborative de texte en ligne, etc. ».
    Il en va de même des objets d’étude convoqués au cycle terminal, qui s’inscrivent dans une perspective de co-enseignement avec le professeur documentaliste : « Tout au long du cycle terminal, l’élève développe la recherche documentaire en langues vivantes : le croisement des sources d’information, la diversification des modes d’exposition aux langues et l’usage responsable du numérique contribuent au développement de l’autonomie et favorisent la construction de la citoyenneté ainsi que l’éducation aux médias et à l’information ».

Documents

Consultation sur les nouveaux programmes du lycée - Contribution complète de l’A.P.D.E.N. auprès de la DGESCO (18/11/2018)
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