2016
déc.
13

Audience de l’A.P.D.E.N. à la DGESCO

Le mardi 6 décembre 2016, Florian Reynaud et Claire Rouveron, membres du bureau national de l’association professionnelle des professeurs documentalistes de l’Education nationale (A.P.D.E.N.), ont été reçus en audience à la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire (DGESCO) par Jean-Marc Huart, chef du service de l’instruction publique et de l’action pédagogique, et Roger Vrand, à la sous-direction du socle commun, de la personnalisation des parcours scolaires et de l’orientation. Ce fut l’occasion de discuter en profondeur de la réécriture de la circulaire de mission, en considérant les deux projets de circulaire [1], la circulaire proposée par l’association [2] et les différents textes de cadrage existants, notamment le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation publié en juillet 2013 [3].

Jean-Marc Huart nous a invités à exprimer notre avis sur la réflexion en cours au sujet du projet de nouvelle circulaire. Florian Reynaud a pu exposer nos réticences sur un certain nombre de points. Après avoir pris connaissance des deux projets de circulaire, nous regrettons le peu d’évolution entre ces deux versions, ce qui a pu étonner Jean-Marc Huart pour qui, au contraire, de nombreuses modifications ont été apportées. Pour notre part, il s’agit surtout de déplacements de paragraphes, avec un projet insuffisant qui nous a amenés à estimer que nous ne pouvions pas proposer d’amendements. Nous avons précisé avoir opté pour la rédaction d’une circulaire de mission, à partir de la circulaire de 1986, qui respecterait l’évolution de la profession et répondrait aux enjeux qui se sont faits jour régulièrement depuis 30 ans, tout en considérant les éléments positifs du référentiel des compétences professionnelles de 2013. Nous précisons que cette circulaire a été élaborée avec les bureaux académiques de la Fédération. M. Huart et M. Vrand nous confirment avoir pris connaissance de cette circulaire associative avant l’audience, texte qui a servi, dans la suite des échanges, de support pour la discussion.

Des doutes sur l’avenir de la mission d’enseignement

Nous sommes revenus sur les deux projets qui présentent une situation, en l’état actuel, en deçà de la circulaire de 1986 sur notre mission pédagogique, sans que les professeurs documentalistes aient l’assurance d’enseigner auprès des élèves alors que les nouveaux programmes nous sollicitent et que l’Éducation aux médias et à l’information (EMI) intègre l’ensemble des savoirs de l’information-documentation. Ce fut alors pour nous l’occasion de questionner la pertinence de la transversalité de cet enseignement. S’il est censé être l’affaire de tous, il convient de préciser que l’ensemble des contenus relève de l’information-documentation, du travail qu’ont fourni les professeurs documentalistes depuis plus de 30 ans, avec des éléments d’éducation aux médias (EAM) qui sont partagés, toutefois bien insuffisamment pris en charge par les collègues disciplinaires. Dans ce contexte, les professeurs documentalistes ne sont pas tous sollicités, loin de là, alors même qu’ils sont cités à plusieurs reprises dans les programmes, notamment pour les élèves des cycles 3 et 4 en collège. Plus surprenant, aucun moyen horaire ne leur est attribué afin d’assurer au mieux cet enseignement. Il en résulte une situation qui ne manquera pas de créer des inégalités entre les élèves, ce que l’A.P.D.E.N. déplore.

Afin d’appuyer par des données chiffrées cette difficulté pour enseigner, nous avons présenté quelques résultats de l’enquête sur "les professeurs documentalistes et leurs conditions de travail en 2016-2017", renseignée par les collègues en octobre et novembre 2016 (enquête en cours d’analyse dont les résultats seront communiqués en janvier). En l’état de notre analyse, nous ne pouvons que constater une nette baisse du nombre hebdomadaire de séances pédagogiques en collège, avec une distinction grandissante entre les collègues qui, installés ou bien considérés par leur chef d’établissement, ne voient pas leurs conditions de travail changer, et les autres qui observent une dégradation des conditions d’exercice, quand celles-ci ne sont pas déjà difficiles.

Nous sommes revenus plus particulièrement sur la difficile mise en place de la réforme du collège et l’impossibilité pour les professeurs documentalistes d’investir une 27e heure dans les horaires hebdomadaires des classes, comme cela pouvait être l’usage dans de nombreux établissements permettant ainsi une formation initiale sur le niveau sixième. Au-delà de la classe de sixième, cette difficulté se retrouve pour les autres niveaux auprès desquels il peut s’avérer complexe de mettre en œuvre une progression dans l’acquisition de savoirs info-documentaires. M. Vrand nous a alors demandé si les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) ne représentaient justement pas un levier intéressant à investir pour les apprentissages de l’information-documentation. Nous entendons que ce dispositif, dans lequel environ la moitié des collègues se sont engagés, effectivement, peut donner lieu à des apprentissages ponctuels, mais que dans les textes nous ne pouvons intervenir qu’en tant que troisième professeur, par ailleurs sans horaire pour intervenir seul. Au-delà du seul collège, nous n’observons aucune évolution positive pour la profession ces dernières années, alors que l’attente était et reste réelle.

M. Huart nous a précisé ne pas comprendre que le rôle d’expert en Éducation aux médias et à l’information, que nous sommes amenés à endosser auprès de nos collègues enseignants, ne soit pas un élément qui nous séduise, comme mise en valeur de notre travail. Ce à quoi nous avons répondu que nous ne souhaitions pas ce rôle, n’étant pas formés à être formateurs d’enseignants, ce qui demande des compétences particulières que les professeurs documentalistes n’ont pas, de même qu’une maîtrise universitaire constante des savoirs conceptuels. Avec cette évolution souhaitée vers le principe d’une ingénierie pédagogique, c’est un biais que nous dénonçons : alors que nous sommes formés pour développer la culture de l’information et des médias chez les élèves, on nous demanderait à présent de former nos collègues à former les élèves à ce sujet, ce qui nous éloigne du cœur de notre métier, d’une part, ce qui relève d’une erreur de perspective, d’autre part, tant cette voie, à plusieurs niveaux, n’est pas réaliste.

Les défauts de la politique documentaire

Nous regrettons que la politique documentaire, telle qu’entendue dans la circulaire de mission proposée par le ministère, englobe l’ensemble des axes et particulièrement la formation des élèves, tant sur la détermination des contenus que sur l’organisation formelle des apprentissages. Nous ne pouvons que contester la validation par le Conseil d’Administration et, de fait, une dépendance accrue au chef d’établissement. Il nous semble avoir été entendus sur ce point. Par ailleurs, nous avons insisté sur l’idée que ce concept est trop englobant dans le projet de circulaire, quand la politique documentaire revêt des aspects plus modestes dans le référentiel de compétences de 2013, pouvant s’en tenir à la gestion documentaire, et dans le respect des compétences du professeur documentaliste, à savoir sans validation nécessaire par le Conseil d’administration. Nous regrettons que l’actuel projet reprenne les préconisations du rapport remis par Jean-Louis Durpaire en 2004 [4]. C’est entériner le transfert d’un concept des bibliothèques vers les établissements scolaires, en intégrant toutes les missions des professeurs documentalistes, différentes de celles des bibliothécaires, notamment en matière de formation, et avec des Conseils d’administration d’établissement scolaire qui ne comprennent pas, hors le professeur documentaliste, de personnels qui, d’une part, connaissent les enjeux de développement d’une culture de l’information et des médias chez les élèves, et qui, d’autre part, envisagent les compétences professionnelles associées à la gestion d’un fonds documentaire et de ressources numériques.

M. Huart s’est étonné de la faible place accordée au numérique dans la circulaire développée par l’A.P.D.E.N. Nous lui avons répondu sur ce point que le numérique est intégré dans nos pratiques au même titre que d’autres supports et qu’il ne nous semble pas pertinent d’insister plus que nécessaire sur les ressources numériques. En outre, nous avons précisé que nous refusons l’obligation de la mission de "référent numérique", comme cela pouvait apparaître dans le premier projet, nous obligeant ainsi à remplir cette fonction qui ne serait plus rémunérée par une Indemnité pour mission particulière (IMP), d’autant plus avec des tâches qui ne peuvent relever expressément des professeurs documentalistes. Il nous a été précisé que plusieurs organisations syndicales avaient globalement des réticences sur les aspects numériques dans le métier, quand nous estimons que l’objet numérique, dans la gestion mais aussi dans la formation des élèves, est un élément incontournable.

Un nécessaire équilibre des missions

Nous avons conclu cet échange sur notre volonté réaffirmée d’assurer au mieux l’ensemble des missions, de trouver un équilibre entre la pédagogie, la gestion du lieu et l’ouverture culturelle, équilibre qui passe nécessairement par des créations de postes de professeurs documentalistes en nombre suffisant. Il nous a été répondu que cela n’était pas du ressort de la DGESCO. De même, sur la question de l’application du décret relatif aux obligations réglementaires de service (ORS) , nos interlocuteurs ne sont pas en charge de ce dossier. Ce fut néanmoins l’occasion pour M. Huart de se renseigner sur le nombre de postes ouvert au concours, et sur le temps moyen consacré à chaque mission. Si nous avons pu lui donner des chiffres sur les heures d’enseignement hebdomadaires, en nous appuyant sur des enquêtes initiées par l’association, nous n’étions pas en mesure d’avancer des données précises relatives aux missions de gestion et d’ouverture culturelle, tant la diversité des tâches et notre polyvalence rend cette mesure difficile. Les professeurs documentalistes, par manque de temps, doivent souvent faire des choix et donner la priorité à l’un ou l’autre de leurs axes de missions. Nous avons alors soulevé la question de notre temps de service, regrettant qu’il n’y ait pas eu de réflexions à ce sujet, par exemple dans un groupe de travail, avant la rédaction du décret et de la circulaire relatifs aux ORS.

A l’issue de cette audience, nous avons le sentiment d’avoir été écoutés, peut-être même entendus sur des points capitaux tels que notre mission pédagogique et la politique documentaire. Comptons que nos propositions soient retenues dans le prochain projet, avec l’échéance du prochain Groupe de travail du 10 janvier 2017. Les échanges furent riches et apaisés, signes, espérons-le, d’une évolution positive des textes relatifs à la profession.

Nous avons par ailleurs de nouveau sollicité une audience auprès de l’inspection générale, IGEN-EVS, afin d’échanger sur ce sujet. Ce à quoi l’inspection nous a répondu ne pas juger opportun de nous rencontrer.

Notes

[2A.P.D.E.N. Mission des professeurs documentalistes : pour une circulaire construite par la profession. In apden.org [en ligne], 2016. Disponible sur : http://apden.org/Mission-des-professeurs.html

[3Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation. Arrêté du 1er juillet 2013. Disponible sur : http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=73066

[4Durpaire, Jean-Louis. Les politiques documentaires des établissements scolaires, Paris, 2004, 59 p. Disponible sur : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/044000279/index.shtml

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