2012
juin
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Par CAPES !...

Hommage à Gérard Losfeld

Gérard Losfeld vitupérait, au début des années 90, contre ce qu’il appelait un CAPES de "vie scolaire" et les "fonctions vicariantes" données aux documentalistes de CDI ; le premier dictionnaire Nathan des
SIID en porte encore la trace dans l’article « CAPES » rédigé par lui !

Françoise Chapron
IUFM de Haute Normandie

Article publié dans le Médiadoc N°4 de Mai 2010

L’UFR IDIST de l’université Lille3 a fêté récemment les 25 ans de son DESS SID devenu Master IDC (information communication documentation ), crée par Gérard Losfeld. A cette occasion chacun avait à apporter souvenirs et évocations pour le discours en son honneur. Ne pouvant me déplacer j’ai évoqué par courrier, spontanément l’aide que Gérard nous a
apporté à la FADBEN depuis plus de vingt ans, c’est une occasion pour évoquer son rôle et son aide à la création du CAPES et au développement
de la recherche dans notre domaine. En effet, Gérard Losfeld a accompagné depuis plus de vingt ans les professeurs documentalistes des CDI des
lycées et collèges, chez qui il garde une aura bien particulière, à travers une collaboration et des liens constants d’amitié et de "compagnonnage cognitif", selon son expression, notamment par le biais de la FADBEN, leur association professionnelle.
Dès 1988, il est intervenu dans des séminaires FADBEN qui réfléchissaient au projet de CAPES Documentation en cours de négociation. Pour le
CAPES, acquis en 1989, les Sciences de l’information apparaissent comme une référence introduisant des savoirs universitaires dans la
préparation du concours et dans la formation initiale qui, passant de trois semaines à deux années, est prise en charge par les IUFM en 1991.
Là encore, Gérard va se faire « médiateur » auprès de ses collègues, comme Yves François Le Coadic qui le rejoint très vite, pour nous accompagner sur
le chemin qui va faire progresser ce métier, à l’origine plutôt technique, vers une nouvelle profession dont le volet pédagogique sera relié, au départ,
aux Sciences de l’éducation et à l’INRP. Gérard Losfeld et Yves François Le Coadic seront tous deux, ainsi que Claude Baltz, présents et intervenants
au congrès de Marseille en 1993 dont Gérard fait la synthèse, inaugurant la présence ultérieure régulière de bien d’autres universitaires à
nos côtés.
L’UFR IDIST, de l’Université de Lille 3, qui prépare au CAPES, favorise cette dynamique et forme un appui logistique. Gérard s’associe à diverses universités d’été ou d’automne organisées par la
FADBEN depuis 1991, dont celle de Lille en octobre 1993 qui marque l’intérêt porté, dans la réflexion professionnelle et la formation, aux apports
théoriques des Sciences de l’information et de la communication.
Ses multiples activités et relations nous entraînent, dans son sillage, au Ministère où s’élaborent les mentions documentation en licence et en maîtrise créées en 1990. J’en ai le souvenir et cela me permettra de mettre très vite en place celle de Rouen rattachée au département d’histoire dès l’année suivant l’ouverture de l’IUFM. Elle est aujourd’hui devenue un parcours de licence et un master professionnel.
Elle va encore se développer au prochain quadriennal où est envisagée une offre de formation à partir de la licence.
Souvenirs encore de Gérard essayant de sensibiliser ses collègues de la SFIC au soutien à notre profession lors d’une journée à Paris où nous
sommes invités, pas facile à l’époque ! surtout devant un président de jury qui était opposé au CAPES ! ... ou de Gérard membre du Conseil d’administration de l’ADBS, comme moi, ce qui nous permit des contacts avec les groupes sectoriels éducation et formation, ainsi qu’une collaboration maintenue avec l’ADBS (dont le président à cette époque était Jean Michel) et un dialogue avec des enseignants spécialisés en SIC militants.
Puis Gérard innove en proposant, dans le cadre de l’IDIST, aux certifiés documentalistes de suivre un DEA "Documentation et apprentissages scolaires" (unique en France) qui permet à des praticiens de terrain de devenir des chercheurs ou des formateurs plus pointus.
Souvenirs encore de "profs docs" ou de formateurs qui se réunissaient régulièrement à Lille le vendredi soir et le samedi, car nous étions souvent
éloignés et salariés.
Ces regroupements de réflexion collective étaient précieux pour les jeunes, ou moins jeunes, qui souhaitaient sortir des pratiques limitées sur le terrain
ou se lancer dans la recherche.
Il fut en somme, sur ces années de maturation pour nous, le "poisson pilote" et l’initiateur au monde des Sciences de l’information, avec son
agilité intellectuelle, sa vaste culture, son sens de la synthèse et des formules originales y compris pour la profession. Ah ! "le compagnonnage cognitif" ou "les fonctions vicariantes" données aux documentalistes ont fait florès et restent des expressions encore reprises aujourd’hui, tellement
elles "font image".
Si les liens se firent moins intenses quand fut venue la vitesse de croisière et d’autres responsabilités pour lui, c’est à Gérard, en 2003, que je demandais, au nom du comité d’organisation, de venir faire la synthèse des Assises nationales de l’éducation à l’information. Pour moi, il s’agissait
d’une évidence et d’une manière d’hommage public à son action et à son soutien. Nous étions en train de changer de paradigme (un terme qu’il
nous avait appris à beaucoup), d’élargir notre réflexion notamment vers l’enseignement supérieur, il fallait qu’il en fût, et qu’il reprenne avec son autorité le projet de curriculum lancé à ce moment.
Bien qu’à la retraite, il répondit présent et assura avec sa vivacité intellectuelle, son sens de la synthèse et des formulations, l’intervention de clôture de cet événement rassemblant 260 collègues de
tous niveaux et qui marque, comme le CAPES en 1989, une date charnière dans la profession.
C’est Annette Béguin-Verbrugge qui lui a succédé et qui a assuré le pilotage, jusqu’à aujourd’hui, du projet et de l’équipe ERTé “culture de l’information
et curriculum documentaire” qui se forma ensuite, mais c’est à lui qu’on fit encore appel pour le colloque "surprise" organisé pour la retraite d’Annette
le 3 juillet 2007.
A chaque rencontre s’égrènent des souvenirs, s’échangent des réflexions, se vivent des moments joyeux de retrouvailles. Car Gérard reste pour nous une figure tutélaire de la dynamique de notre profession qui nous conduit aujourd’hui, à partir de sa main tendue il y a plus de 20 ans, à un
niveau de réflexion et à une visibilité externe de recherche dans notre secteur. En témoignent les Actes du colloque de Lille d’octobre 2008 qui viennent de sortir aux Presses de l’ENSSIB sur L’éducation à la culture informationnelle.
Gérard vitupérait, au début des années 90, contre ce qu’il appelait un CAPES de "vie scolaire" et les "fonctions vicariantes" données aux documentalistes de CDI ; le premier dictionnaire Nathan des
SIID en porte encore la trace dans l’article « CAPES » rédigé par lui !
Le nouveau CAPES 2010 fait référence explicitement aux Sciences de l’information et de la communication à travers un ensemble de thématiques
listées, une composition à partir d’un extrait de texte de qualité scientifique et une question touchant à l’histoire et l’épistémologie de la documentation.
On demande aussi que le candidat expose, pour la première épreuve orale, les apprentissages informationnels qui peuvent être articulés à la recherche
documentaire thématique qui lui a été proposée. C’est devenu un CAPES de plein exercice référé à une section CNU, la 71e.
Certes, la suppression scandaleuse de l’année de stage de PLC2 et le constat que tout est loin d’être satisfaisant dans la préparation des masters sont
des points négatifs. Mais le nouveau CAPES témoigne du pas accompli, lentement mais sûrement, et son ancrage dans des savoirs en SIC et
en Sciences de l’éducation est désormais acté.
Malgré le difficile contexte actuel, c’est une avancée que nous devons à sa confiance car il fut le premier à nous inciter à aller toujours plus loin et
vers le haut.
Il a, dans des universités diverses, incité directement ou indirectement nos collègues à engager des cursus master, doctorat et à prendre la relève
comme enseignants chercheurs issus souvent du terrain.
Il fut un solide appui pour nous parmi les pionniers qui firent le pari de la professionnalisation des professeurs documentalistes de l’enseignement secondaire, ainsi que de l’émergence d’une didactique de l’information-documentation si utopique au début ! Les travaux et la réflexion actuelle
de la FADBEN permettent de mesurer le chemin parcouru sous son impulsion première.
Merci, Gérard, pour ta cordialité et ta bienveillance, avec toutes les pensées amicales des militants, formateurs, chercheurs et praticiens de terrain
confondus que tu as épaulés et guidés !...

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